H.Craig Hanna

Galerie Laurence Esnol 
7&22 rue Bonaparte 75006 Paris 

H. Craig Hanna (né en 1967) est un peintre figuratif américain qui vit à Paris. Artiste connu pour ses portraits, il se distingue par sa technique du dessin, son sens de la couleur et son art de la composition.

Outre la peinture à l’huile et le dessin qu’il pratique également, il développe depuis plusieurs années une technique qui lui est propre, l’encre et l’acrylique sous plexiglas, selon un procédé proche de la peinture sous verre. Bien qu’essentiellement connu pour ses portraits, il peint également des paysages, genre qu’il a toujours considéré comme central dans son oeuvre.

 

Carlos Sitting on a Clear Plastic Chair, huile sur bois, 229 x 229 cm, 2001.

Selon H. Craig Hanna, son oeuvre s'inscrit en continuité avec la tradition des Maîtres Anciens, par l’importance accordée au dessin académique d’après modèle vivant et d’après nature[1]. Les choix de cadrage, de couleur, de composition, de modèle, en font cependant un peintre ancré dans son époque. Ses influences sont diverses : Le Titien, Rembrandt, Vélasquez, Sargent, Whistler, des expressionnistes tels que Klimt, Schiele, et plus récemment Lucian Freud. La statuaire grecque

antique est également une grande source d'inspiration[1].

Craig Hanna oppose ou rapproche, on ne sait trop, peinture pure et description serrée de la figure. Le contrepoint peut jouer sur l'opposition d'un visage avec deux simples lignes parallèles, ou d'un corps nu avec une simple fleur devant les stries d'un panneau de bois, une matière que l'artiste laisse volontiers transparaître.
On sait bien que la peinture dans le siècle d'hier s'est crue tenue de choisir entre figure et abstraction, entre abstraction et de la figuration (jusqu'à l'illusion) et figures de l'abstraction (jusqu'aux vérités premières de l'aplat). Entre l'une et l'autre, comme quelques portraitistes anglais de nos jours, Stephen Conroy ou Bryan Organ notamment, Craig Hanna ne choisit pas : dans ce qu'il dessine ou peint, il y a l'aplat et la figure, l'ordre de la géométrie et le réel chaotique, le plan appliqué et le modèle modelé. Non, Craig Hanna ne choisit pas mais, comme personne, il tranche. Son partage organise une guerre froide entre l'un et l'autre. Ses portraits sont, avec naturellement ce qu'il faut de transgression d'un panneau à l'autre, des diptyques où, d'un côté, l'absolu d'une matière ou d'une couleur a pris la place du dieu des anciens et, de l'autre, la figure a perdu les mains de l'orant. Quel conflit pourrait être plus latent que celui de cette présence désincarnée à laquelle fait face, ou tourne le dos, le spécimen unique d'une humanité sans dévotion ? Serait-ce l'opposition du blanc et du noir qui se tournent le dos, qui nous tournent le dos, ou qui, dans un mouvement tout à la fois contraire et semblable, nous fait face ? Face ? C'est vite dit. Beaucoup des modèles de Craig Hanna sont de profil, en buste, cadrés de près, suivant l'antique formule que la Renaissance a pris soin d'employer pour fixer les effigies des princes, des condottieres ou des humanistes. Mais ses princes sont des princes de la rue ou des bureaux, brossés avec la crudité d'un Lucian Freud. La personnalité de chaque modèle – des hommes et des femmes plutôt jeunes, sans doute familiers du peintre – commande-t-elle la facture du panneau adjacent ? Peut-être, car la correspondance entre les deux semble déterminée et diffère d'un visage à l'autre. Quoiqu'il en soit, les profils, souvent, presque toujours, s'obstinent à s'échapper du fond préparé pour eux : paysage, panneau de boiserie, azur aulique, ligne d'appui ou d'horizon, tenture géométrique ou simple drap. Ils sortent du cadre, s'évadent et finissent par être singulièrement déplacés. Le modèle devient étranger, l'état de lieux ne le concerne plus. Quand le lieu subsiste. Après des siècles de symbolisme visible et de sens caché mis en évidence, d'attributs signifiants et de fairevaloir

périphériques, la peinture de portrait avait besoin de ces figures in-situés, de ces nus détournés de la feuille de vigne, de ces personnes peintes parfois même en suspens au milieu de nulle part dont Gustav Klimt et Egon Schiele, il y a cent ans, avaient pressenti la nécessité. Pas de forêt, un arbre, pas de maison ni de chambre, un lit, pas de lit, un drap : toujours trop pu pour faire un lieu à l'homme dénudé par l'art même lorsqu'il paraît lourdement vêtu ou pris dans le réseau abstrait d'un décor quasi viennois. Voyez à la National Portrait Gallery de Londres, ce portrait d'homme assis, noir, engoncé dans sons manteau noir, c'est un peu le portrait de la mère de Whistler conservé au Musée d'Orsay, à Paris, mais c'est plus encore son sous-titre Arrangement en gris et noir. Ailleurs, un dos nu renvoie à une fleur, et une fleur aux nervures d'un panneau que n'aurait pas dédaigné Max Ernst dans ses frottages.

Nudités contrariées par les draps, mélancolie perdue dans l'oreiller, mais marquant au pli du livre les suspens de la lecture, les modèles de Craig Hanna, autres nous-même venus de loin et échoués là, attendent de ce jeune maître qu'il poursuive pour eux, pour nous, l'éternel tension de la peinture, l'éternel corps à corps de l'humanité et de ses plans.